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Parler des stéréotypes de genre au cinéma avec les enfants

Le cinéma, les séries, les vidéos et les images animées en général peuvent véhiculer un bon nombre de stéréotypes – lesquels peuvent notamment être basés sur les genres en montrant des caractéristiques qui seraient censées être typiquement féminines ou masculines. Or, à force de voir des personnes ou des personnages à l’écran qui présentent toujours les mêmes caractéristiques, nous intégrons petit à petit (malgré nous) que c’est ainsi que doit être une femme ou un homme ! Mais alors, comment regarder des films avec ses enfants et attirer leur attention sur cette question ? Delphine Jeanneret et Cécilia Bovet, co-directrices du Festival Cinéma Jeune Public, proposent quelques pistes.

Le point de vue au cinéma

Un film, un clip, une vidéo, ainsi que toute image filmée et mise en scène n’est jamais neutre. Elle est toujours le résultat d’un ou plusieurs points de vue. Le point de vue de celles et ceux qui l’ont écrit, mis en scène, filmé et monté. Au cinéma notamment, le regard de la personne qui filme est très important et peut être différent (mais pas toujours) si c’est un homme qui filme une femme, ou si c’est une femme qui filme une femme. Dans beaucoup de films et de dessins animés, les personnages masculins sont représentés comme actifs, ils résolvent des conflits ou des énigmes, alors que les personnages féminins sont plutôt passifs, ne servent qu’à aider le héros ou à le faire paraître plus fort, et n’ont pas un véritable background en soi. Parfois, les femmes peuvent même être traitées comme des objets ou incarner des clichés sur le genre féminin, par exemple ne penser qu’au mariage ou à des choses superficielles. Voici quelques exemples de films avec des personnages très stéréotypés : Cendrillon, Superman, Indiana Jones, Toy Story, etc…

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Conseil pratique

Réfléchissez en famille aux trois derniers films que vous avez vus.

1) Comment le personnage féminin était-il représenté ? Choisissez par ex. 3 adjectifs pour le décrire :
Doux – gentil – amoureux – bienveillant – beau – mignon – gracieux
Curieux – actif – exubérant – courageux – intelligent – fort – surprenant

S’il y a plus d’adjectifs de la 1ère ligne dans votre liste, c’est certainement que le personnage féminin est très stéréotypé !

2) Est-ce que le personnage féminin devient différent, change et évolue au fur et à mesure du film ?
Si les personnages féminins n’évoluent pas pendant un film, cela montre qu’ils sont souvent très stéréotypés !

Le sexisme dans l’industrie du cinéma

Le cinéma est une affaire d’équipe où chacun·e joue un rôle bien défini pour que le film soit réalisé : production, réalisation, image, son, montage, postproduction, etc. Or, les métiers du cinéma – bien qu’infinis – sont souvent organisés de manière très hiérarchique. En effet, le milieu du cinéma a longtemps été associé aux hommes parce que l’Histoire a longtemps été écrite par des hommes. Mais si on creuse un peu, on se rend compte que des femmes aussi ont été actives dès les débuts du cinéma à des postes très importants et qu’elles ont elles-aussi marqué l’histoire du cinéma ! Par exemple : Alice Guy-Balché (1873-1968) est une réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma française, ayant travaillé en France et aux États-Unis. Son film La Fée aux choux (1896) fait d’elle la première réalisatrice de l’histoire du cinéma, mais son travail a seulement été redécouvert ces dernières années.

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Conseil pratique

Regardez en VOD le documentaire « Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché » de Pamela B. Green (USA, 2018, 98’) ou le court métrage de fiction « La Fabuleuse histoire (méconnue) d’Alice Guy » réalisé par Aude Gogny-Goubert (FR, 2020, 5).

Test de Bechdel

Au cinéma, il n’est pas toujours facile de déconstruire les histoires et de voir au-delà de ce qui nous est montré. Pour mesurer le sexisme des films, un test tout simple a été créé : le test de Bechdel. Celui-ci vise à mettre en évidence la surreprésentation des protagonistes masculins ou la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction. Pour passer ce test, un film doit inclure :

  1. Au moins deux personnages féminins qui ont un nom
  2. Au moins deux personnages féminins qui parlent ensemble
  3. Et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme

A titre d’exemple, seulement 30% des films Disney passent le test de Bechdel !

Voici quelques exemples de films qui passent le test de Bechdel : Encanto, Raiponce, Jurassic Parc, Jumanji, Harry Potter, Mary Poppins, Les aristochats, Bernard et Bianca, Rebelle, La reine des neiges, Ma vie de courgette, Princess Mononoké.

Et quelques-uns qui ne le passe pas : Kirikou et la sorcière, Shrek, Toy Story, Aladdin, Pocahontas, Mulan, Ratatouille.

Voici un site qui liste les films Disney qui passent ou pas le test de Bechdel : https://www.epopia.com/blog/edu/education/test-bechdel-disney/

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Conseil pratique

Faites passer le test de Bechdel au prochain film que vous regardez !

Des chiffres qui parlent

En 2019, dans les séries américaines, 54% des personnages étaient des hommes et 90% hétérosexuels. La plupart des films et des histoires se déroulent donc du point de vue d’un homme hétérosexuel blanc âgé de plus de 50 ans – parce que ce sont eux qui produisent ou réalisent encore la majorité des films.

D’après une étude réalisée par l’Office Fédéral de la Culture en Suisse en 2012, un nombre égal de femmes et d’hommes se forment dans les écoles de cinéma. Pourtant, et malgré une proportion équilibrée lors des formations, une grande inégalité entre les genres s’installe ensuite dans l’exercice de la profession. L’étude pointe notamment les différences salariales entre les femmes et les hommes dans le cinéma suisse. Pour ce qui est de l’égalité à l’écran, on observe davantage de premiers rôles féminins dans les films de fiction (47%) que dans les documentaires (34%), mais la proportion diminue fortement dès que les femmes atteignent 40 ans.

Le saviez-vous ?

Pourcentage de femmes qui occupent un poste clé dans le cinéma suisse :
53% montage
34% scénario
35% production
29% réalisation
13% caméra

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Conseil pratique

Les hautes écoles de cinéma (HEAD à Genève, ECAL à Lausanne, ZhDK à Zürich, HSLU à Lucerne, CISA à Lugano) organisent chaque année des portes ouvertes pour découvrir tous les métiers du cinéma et rencontrer des femmes qui les pratiquent.

C’est quoi le regard féminin ?

Comme expliqué ci-dessus, le regard (et la caméra) qui a dominé le milieu du cinéma pendant longtemps était celui des hommes. En 1975, la théoricienne du cinéma Laura Mulvey (Plaisir Visuel et Cinéma Narratif) explique que le cinéma hollywoodien est un instrument de la domination patriarcale et parle du regard masculin (male gaze) qui est omniprésent : dans la plupart des films, les femmes apparaissent comme des choses regardées par des hommes. Elle distingue trois types de regards : celui de la caméra sur les acteurs et actrices, celui des personnages entre eux, et celui du public qui regarde le film. Heureusement, les choses changent ! De plus en plus de films nous propulsent dans la tête d’un personnage féminin et on a l’impression de ressentir les mêmes choses qu’elle. Par exemple, dans le film Des épaules solides d’Ursula Meier (2003) ou dans La reine des neiges de Jennifer Lee (2013), les spectatrices partagent ce que ressentent les héroïnes.

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Conseil pratique

Repensez en famille à une scène précise d’un film ou d’un dessin animé, et analysez-la ensemble avec ces critères :
– Comment les femmes sont-elles présentées ? Quel est leur physique ? Leur caractère ? Leurs expressions ?
– Comment la caméra les montre ? En entier ? Juste une partie du corps ? Par en-dessous ? Par en-dessus ?
– Est-ce qu’elles jouent un rôle dans l’histoire ou est-ce qu’on peut les supprimer sans que cela impacte l’histoire ?

Des films qui proposent un autre regard

Ma vie de Courgette de Claude Barras (2016) => personnages féminins et masculins égaux / dès 6 ans
La reine des neiges de Jennifer Lee (2013) => personnage féminin fort, tenace et courageux / dès 6 ans
Mulan de Tony Bancroft, Barry Cook (1998) => rôle et place des femmes dans la société en question / dès 7 ans
Moorise Kingdom de Wes Anderson (2012) => jeune fille indépendante / dès 10 ans
Tomboy de Céline Sciamma (2011) => fille-garçon qui s’en fiche des stéréotypes de genre / dès 10 ans
Little miss sunshine de Valerie Faris, Jonathan Dayton (2006) => jeune femmes indépendante / dès 10 ans
Nausicaä de la vallée du vent de Hayao Miyazaki (1984) => large présence de personnages féminins forts / dès 10 ans
Captain Marvel de Anna Boden, Nia DaCosta, Ryan Fleck (2019) => superhéroïnes / dès 12 ans
Les filles du Dr March de Greta Gerwig (2019) => personnages féminins qui s’émancipent / dès 12 ans
Des épaules solides d’Ursula Meier (2003) => le point de vue d’une jeune sportive / dès 12 ans
Titanic de James Cameron (1997, dès 10 ans) => femme battante / dès 12 ans
La famille Adams de Barry Sonnenfeld (1991) => famille différente avec des femmes puissantes / dès 12 ans
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IMPORTANT

Le but n’est évidemment pas de s’interdire tel ou tel film qui véhiculent des stéréotypes de genre ou de se sentir coupable d’en regarder ! Juste de garder un esprit critique en affutant nos outils pour analyser ce que nous voyons. Exactement comme pour la publicité, par exemple. 🙂

Pour aller plus loin

Pour les enfants : Petit monde #6 : Stéréotypes de genre et dessins animés (youtube)

Pour les jeunes : Livres féministes – 1001 héroïnes (1001heroines.fr)

Pour les parents et les enfants : Iris BREY et Mirion MALLE. Sous nos yeux : petit manifeste pour une révolution du regard. La ville brûle, 2021.


Autrices : Delphine Jeanneret et Cécilia Bovet, co-directrices du Festival Cinéma Jeune Public. Le Festival Cinéma Jeune Public propose de nombreux films qui déconstruisent les stéréotypes de genre, à voir du 23 au 27 novembre 2022, programme en ligne début novembre https://festivalcinemajeunepublic.ch/

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